Wind4life en nav

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winD4life

Un tour de l'Atlantique en famille pendant un an à bord de notre voilier winD4life, un Sun Odyssey 42.1 de 1994.
Un projet de vie... Une aventure qui commence...
Bonne lecture,
Nicolas, Yaël, Yanic et Lola


vendredi 16 décembre 2016

Le crumble cloug

16-12-2016
On tangue, on tangue et on arrête pas de tanguer. Depuis 2 jours on subit ce mouvement de houle. On s’est pris quelques bons grains et la nuit a été venteuse mais on flotte toujours et on avance bien. Je n’ai pas si mal dormi pendant mon quart, coincée sur la banquette du carré avec la toile antiroulis qui me retiens à chaque mouvement de vague. Je suis passée à 24 min de sieste et puis je fais un tour de l’horizon. Depuis plusieurs jours il n’y a personne autour de nous et c’est très tentant d’aller se coucher le soir et de se dire bonne nuit jusqu’au lendemain. J’ai appris qu’il y en plus qu’ils le font qu’on ne le croit. Ils font confiance à leurs instruments et s’il y a danger de collision l’AIS est sensé bipper. C’est vrai que vu la probabilité de rentrer en collision avec un bateau au milieu de l’Atlantique, j’adopterais bien leur méthode. Mais c’est mission impossible avec notre capitaine stressé et je le comprends.
Nous sommes à la moitié de notre route. Yanic lance un petit plomb de pêche comme marque de passage. C’est mignon comme symbole mais il est trop fier que W4L soit passé par ici!
Ce matin je me lève reposée et détendue mais je n’arrive pas à le partager avec Nico que je ressens toujours aussi stressé, fatigué et miné par les éventuels problèmes que nous pourrions rencontrer durant la traversée. Je ne comprends pas comment il n’arrive pas à prendre du recul et j’engage la discussion en espérant le détendre, mais pas du tout. J’ai l’impression qu’il vit mal cette traversée car il reste fixé sur son idée initiale d’avoir un équipier à bord, alors que moi je n’en voulais pas. Il m’explique que d’avoir un équipier supplémentaire à bord, c’est comme prendre une assurance ‘omnium’ et qu’en cas de pépin, le troisième équipier serait une garantie. Je ne sais pas comment je dois le prendre mais ça me rend triste. Je me sens seule et à apprécier cette traversée que j’avais tant envie de partager avec toi Nico. Nico en a marre et il a envie d’arriver coute que coute, alors que moi, je ne suis pas du tout pressée. Je n’ai pas envie de ressentir cette étape comme un échec et je décide de vivre cette belle expérience et mes émotions toute seule. Je ne l’avais pas imaginé comme ça mais je m’adapte et j’essaie de faire abstraction de toutes interférences négatives. Je ne te reconnais pas Nico et je ne comprends pas toujours ton ressenti et ça me déçois. Je lui tends quand-même une boite de sédistress et il ne la refuse pas. Est-ce grâve docteur? Nous ne sommes qu’à la moitié de la transat et la dépression n’est pas loin… Cette fois, je ne parle pas de la dépression météorologique, j’aurais préféré.  Nico, met ton cerveau sur OFF! C’est vrai que cette nuit , alors que nous sommes à plus de 900 mn de l’arrivée, il a découvert que le vérin du pilote perd de l’huile et fait un drôle de bruit.  Il s’est remis à barrer jusqu’au lever du soleil, puis après avoir vidé les coffres, remballé les voiles, mis le moteur, il s’est mis à revisser le pilote et le re-remplir d’huile hydraulique, le tout la tête en bas au fond du coffre alors que la bateau est secoué dans tous les sens. Heureusement le pilote fonctionne à nouveau comme avant. Mais tu broies du noir en imaginant que le pilote pourrait nous lâcher, que la pompe de cale pourrait griller alors que nous prenons un verre d’eau par vague par les bagues de safran et que la pompe manuelle ne fonctionne pas. Tu te stresses pour l’allumage du moteur qui n’est pas franc, la houle qui est trop forte et que les drosses grincent, que le propulseur ne fonctionne plus, que l’AIS ne fonctionne que jusqu’à 8milles, que le fil de pêche de 2mm d’épaisseur qui s’est enroulé dans l’hélice pourrait éventuellement gêner le fonctionnement du moteur, alors que tu es près à prendre des risques, mettre le bateau à la cape avec 25nds de vent et de plonger au milieu des creux de 3m pour défaire un petit bout alors que ‘hélice tourne toujours aussi bien qu’avant, et j’en passe… Ce bateau est magnifique bordel! On a travaillé comme des dingues pendant plus d’un an et regarde où nous sommes aujourd’hui! Fais confiance à W4L. Il nous ramènera sain et sauf jusqu’à Bruxelles. Après mon petit coup de gueule, je me détends et je tente encore le coup de faire un dessert.
Mes filets de fruits et légumes se vident petit à petit et les dernières bananes bien mûres m’inspire pour faire un crumble agrémenté de quelques poires et pommes épicé à la cannelle. Ca devrait remonter le moral du capitaine. Comme il est beau, mon crumble…




Nico se délecte à l’idée de le gouter mais il est encore trop chaud. Je le laisse sagement refroidir sur le plan de travail sur un torchon anti-dérapant. La mer en a voulu autrement. Le sort s’acharne et le crumble finit en tarte tatin sur le planché du carré. Je pleure… mais vraiment je pleure comme une Madeleine. Je vois 3 paires d’yeux me regarder avec un air dépité et à la fois les rires aux éclats se lisent sur leurs lèvres. Les larmes aux yeux, je ne peux m’empêcher de sourire. Ils me réconfortent en me disant que mon crumble cloug est juste délicieux. Je repasse la scène de la chute dans ma tête et j’éclate de rire. Dommage que je n’ai pas eu la présence d’esprit de faire une photo de ce carnage.
Le houle se renforce. Une sale petite houle latérale vient se rajouter aux ondulation des vagues arrière et on circule de plus en plus difficilement sur W4L. On a des bleus partout. Un appel VHF de Thomaflo retenti. On ressens le besoin de partager se qu’on vit au quotidien. Thomaflo transporte un couple de retraités qui repartent pour de nouvelles aventures à la voile après avoir fait le même voyage en famille que nous il y a 25 ans. Les pauvres, ils galèrent un à 2 avec un pilote qui ne tient pas le coup dans les grains et ça les oblige à barrer. Je les sens fatigués et Anne-Marie me dit: « Ce ne sont pas ça les alizés! » Mais alors, qu’est-ce donc? Peut-être on ne les connaitra jamais ces alizés tant rêvés. Vu l’état de la mer et de la mère, je n’ai pas du tout envie de cuisiner ce soir. Je sors mon kit de survie, AIKI noodles pour tous le monde. Lola est ravie et nous on se nourrit.

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