Wind4life en nav

Wind4life en nav

winD4life

Un tour de l'Atlantique en famille pendant un an à bord de notre voilier winD4life, un Sun Odyssey 42.1 de 1994.
Un projet de vie... Une aventure qui commence...
Bonne lecture,
Nicolas, Yaël, Yanic et Lola


dimanche 2 juillet 2017

La transat retour...

Transat retour 17-6-17

La journée de notre départ pour les Açores nous la passons à L’America’s Cup. Passez du bon temps à voir des courses entre catamarans de compétition, filer sur leurs foils à 30nds, nous inspire. Yanic veut équiper W4L de ces fameux foils et arriver aux Açores en quelques jours seulement. Je souris. Ce gamin jouit de ses rêves et c’est juste génial à voir. Il répète régulièrement son souhait de vivre sa vie et déjà de vouloir sortir du cocon familial. Il rajoute qu’il est conscient qu’il va falloir d’abord étudier et travailler pour réaliser ses rêves. Sa maturité me fascine toujours, mais n’est-ce pas un peu jeune de penser à quitter le confort familial ? Il a peut-être raison, on est peut-être des parents inconfortables. Après tout, notre rôle est de les rendre autonome dans la vie. J’ai comme l’impression qu’on n’en fera pas un ‘Tanguy’…













La navette nous ramène à St Georges et les couleurs tropicales touchent à leur fin. Il est 20h et nous voilà parti en duo avec nos fidèles compagnons de voyage Talitha vers de nouveaux horizons. Je suis émue, mais je ne pleure pas. Je suis comblée et je n’ai plus qu’à transporter toutes les richesses de l’ouest de l’autre côté de l’océan où de nouveaux projets naîtront.






Maître Gabart trace sa route plus vite que nous. On le perd rapidement de vue. On s’appelle à la VHF. On se parle pour ne rien dire mais on a besoin d’entendre sa voix encore quelques instant. Son émotion est perceptible à travers les ondes et les larmes coulent des yeux de Nico. Rapidement, la portée des ondes se limite et puis c’est le vide. Mais pas pour longtemps, promis!
Le vent est en rendez-vous les premières heures de nav mais c’était trop beau. Nous tombons rapidement dans une molle. Les visages de l’équipage sont découragés et la pétole qui nous rattrape, nous mine le moral. Des calculs et stratégies de trajectoires à prendre pour aller à la recherche du vent, nous animent les journées ennuyeuses. Nous avons 260l de gasoil, A raison de 2,1l/h et une marge de sécurité nous nous donnons 113h d’autonomie, environ 5 jours. Il est évidemment hors de question de les brûler d’entrée de jeu.
Nous sommes vent arrière avec spi, génois tangonné et GV. On avance entre 2 et 4 nds et c’est juste horrible. Philippe s’amuse avec les manœuvres de spi et surtout notre petite vie à bord de W4L. Ca a l’air de lui plaire et semble parfaitement s’intégrer dans notre famille devenu un peu pirates. Les quarts sont tranquilles. Philippe prend son quart de 21h à minuit, Nico de minuit à 3h et moi de 3h à 6h. Cela me convient très bien d’autant plus qu’au lever du soleil je prend le temps de pétrir la pâte, de la laisser lever et au moment de la cuisson, l’équipage n’a plus que se réveiller de bonne humeur dans une odeur de pain frais ‘fait bateau’. Pas désagréable!




Cela fait bientôt 5 jours que nous sommes en mer, 2 jours de moteur dans la vue, 1 jour de bouchon et quand-même 2 jours de voile heureusement. On essaie de jongler entre les stratégies de Fabrice (notre routeur à terre) et nos conditions réelles en mer. Pas si simple, mais on y arrive pas trop mal.
Ces 3 premiers jours, je ne me suis pas sentie bien. Mal à la tête, état de faiblesse, un peu triste. J’ai envie de pleurer tout le temps. J’ai beau être un ‘tas d’hormones’ comme diraient certaines mauvaises langues, mais ce n’est pas ça cette fois ci.  Je réfléchis trop, je suis nostalgique et je sens Nico distant. Je suis assise à l’arrière et je contemple cette mer plate. Deux lignes avec 2 malheureux poulpes en plastiques, trainent derrière W4L depuis 3 jours et même pas une prise. Peut-être que la mer est vide. Ma tête par contre est pleine, pleine de larmes. Les hommes font la sieste, les enfants jouent tranquillement dans le cockpit. Moi je craque et pleure en silence et remplis la mer de larmes. J’essaie de rester discrète mais Yanic et Lola me voient pleurer. « Mais maman, pourquoi tu pleures? » Je ne sais pas quoi répondre. Je soupçonne Yanic d’avoir été chercher Nico de sa sieste. Nico vient me consoler, me prend dans ses bras. C’est la première fois que je me sens emprisonnée, en manque de liberté, ne me sentant pas a ma place sur W4L. Ma face égoïste et capricieuse fait surface et prend trop de place dans ma tête. Arrête Yaël, ce n’est pas toi ça! Apparemment, mes frustrations ressortent. J’avais envie de terminer cette boucle rien qu’à 4. Pourquoi ça me touche autant alors que dans le fond Nico a raison, un équipier en plus sur W4L ne comporte que des avantages. Confort des quarts, assurance en cas de panne du pilote et surtout un capitaine détendu et de bon humeur après de bonnes heures de sommeil. Je sais bien, mon sentiment est bien loin du rationnel. Ressaisis-toi, je sors mes frustrations aujourd’hui et puis n’en parlons plus. Au contraire, parlons de cette équipier précieux justement. Je me permets parce qu’on te connais depuis des années Philippe. Tu es l’équipier parfait, discret, généreux, aidant, sensible, calme, attentionné avec les enfants et toujours la banane. Qu’espérer de plus quand on passe un mois ensemble à 5 dans un 10m2. Si, juste un seul bémol, tu es allergique à l’ail. Aiaiaiaia! Pour une amoureuse de la cuisine parfumée, il faudra être encore plus créative pour faire du ’top chef’ sans ail. Un vrai défi pour moi, mais le jeu en vaut la chandelle si nous voulons garder notre Philippe en forme, et l’équipage par la même occasion. Pour les curieux, vous demanderez vous même à Philippe quelles sont ses réactions allergiques.

transat 21-6
Le vent est de retour et c’est le jour de l’été. Enfin un peu de gîte, de la vaguelette et des surf à 8-9 nds. Ca fait du bien au moral. Notre instrument ‘vent vrai’ qui a rendu l’âme il y a deux jours n’affecte plus trop le capitaine. La girouette nous suffit pour voir arriver le vent apparent. Je reprends mon rôle de réglage des voiles. C’est gratifiant de voir la vitesse de W4L grimper même qu’un demi noeud, juste en réglant le chariot d ‘écoute de génois. On met en application nos connaissances qui se sont fortement améliorées cette année, surtout grâce à notre maître régatier Cédric. W4L est loin d’être un bateau de régate mais ce n’est pas une caravane sur l’eau non plus. La preuve, Talitha nous a gratté que de 180milles en 24h. Euh,… je pense qu’on arrive encore à peine à sa cheville, à ce sacré maitre Garbart. En plus ici en transat, ils sont en mode course. Il y a au moins 2 maitres Gabare sur Talitha et pressés d’arriver pour retrouver femme et enfants à Horta. Nous communiquons par messages iridium quasi tous les jours. Ils sont plus au nord que nous et jouent avec les limites dépressionnaires. C’est de la navigation plus sportive auquel nous n’avons pas trop envie de s’aventurer quand on a une famille avec enfants à bord. Néanmoins, on est à l’abri de rien au milieu de l’océan. Un jour nous en avons fait  l’expérience. Nous touchons enfin du vent et marchons à 8 nds en ciseaux. On a 2 ris dans la GV et 2 ris dans le génois. Autant vous dire que les toiles sont en mode ‘string’. Le bateau est stable et on fonce. Il pleut. Jusqu’à présent nous vivons toujours en maillot, short et t-shirt. J’observe une pointe à 25 nds en vent apparent. Ca commence à faire beaucoup. Il fait humide, gris et ça souffle fort. Je rentre me mettre a l’abri. Nico est au taquet et sort voir les instruments. On atteint les 30 nds apparents, il est temps de réduire. Nous n’avons pas le temps de mettre nos cirés et sortons juste avec nos gilets que le pilote décroche et le bateau part au lof. Nico allume le moteur et essaie de mettre le bateau sur sa route. Nous prenons les commandes de l’affalage des voiles. le bateau se met à la gîte au point de voir les fonds marins à travers les hublots de coque. Quelques affaires qui trainaient sur la table volent dans le carré.  Lola est en crise de panique et je n’arrive pas à la calmer. Je n’ai pas le choix de rester dehors et aider Philippe à mettre W4L à sec de toiles. Le génois tangonné devient si raide que nous devons utiliser le winch pour le remballer. Le vent est monté à 45nds. Une grande première pour W4L et son équipage. Le peu de GV qui reste suffit à avancer à 6 nds. Il n y  a plus qu’à attendre que ça passe. Tout est sous contrôle et les manoeuvres se sont déroulées dans le calme et la maitrise. Je retrouve voir Lola apeurée, entourée de ses doudous et cramponnée dans les bras de Yanic. Pauvre petite. On me voyant elle repart en sanglot dans mes bras. « je voulais rentrer en avion avec Nath et les garçons, maman! » ,« je déteste la voile, ce n’est pas moi qui ai choisi de faire le voyage. » Je la sens fâchée. Je la serre fort dans mes bras et j’essaie de la calmer en lui rappelant toutes les belles découvertes que nous avons faites grâce à W4L et ses voiles magiques qui nous a transporté durant des mois dans des endroits insolites. « Maman, j’ai peur que le bateau se retourne » « J’ai fait un cauchemar cette nuit. Le bateau coulait et vous étiez tous dans le radeau de survie et vous m’aviez oubliée sur le bateau ». « Je crois que j’ai trop d’imagination. » me dit-elle. J’essaie de canaliser ses angoisses en détournant l’attention sur des moments câlins, une petite papote entre nous, un peu de lecture et quelques rires. La vie reprend le dessus. Yanic me montre les marque des ongles de Lola dans son bras. Je souris. Je lui dis qu’il a géré la situation comme un chef!
Le vent retombe et nous avons toujours notre GV en forme de string. Après les 45 nds on devient frileux, mais il faut rapidement reprendre confiance en nous si on veut avancer le plus vite possible. On reprend une météo et envoyons notre position à Fabrice (à terre). Les conditions météorologique devraient rester stables. Des baleines montrent leur souffle au loin. Annoncent-elles un retour au calme. Cela en a tout l’air. Pas assez de vent à notre gout et dans les prochains jours on va devoir jouer de la finesse afin d’éviter au mieux ces zones trop bleue foncée (sans vent) sur les fichiers GRIB. La mer est confortable. Loin d’avoir imaginé une transat retour dans des conditions aussi clémentes. Ce n’est peut-être pas commun mais pour le moment, elle est nettement plus confortable qu’à l’aller. L’intendance à bord n’a rien avoir avec celle de la transat aller. Faire la cuisine est un vrai plaisir et pour l’instant on est mal parti pour le régime. On verra ça plus tard.
Le soleil brille à nouveau. Il y a quelques heures, nous étions sous une tempête et nous voilà à nouveau en maillot de bain vautrés sur le teck bien chaud.

transat 23-6

Cette nuit fut encore trop calme. Le moteur W4L a encore ronronné pendant 4h avant de retrouver un peu de vent et de pouvoir mettre les voiles. Notre autonomie en gasoil se limite de jour en jour et chaque fois que nous mettons le moteur, on espère que ce sera la dernière pétole que l’on croise. Apparemment il n’est pas rare de croiser des moments de pétole en transat retour. L’art c’est de s’en dépatouiller en frôlant les zones de dépressions. A terre Fabrice, nous facilite la tâche et nous indique la meilleure route à prendre.
Le frigo se vide petit à petit. La viande se fait rare et on espère franchement pêcher quelque chose de comestible. Nous mettons les lignes depuis 6 jours déjà et toujours rien au bout du fil. Yanic se lasse de sortir tous les jours ses lignes avec de paquets de d’algues de sargasse accrochés aux leurre. Mais aujourd’hui, c’est notre jour de chance. Lola entend l’élastique se tendre au taquet et crie « poisson!!! »



Incroyable mais vrai, pas de salade au bout de la ligne mais une masse bien vivante qui se débat et replonge vers le fond en essayant de se détacher de son poulpe en plastique. C’est trop tard mon ami le ‘thon thon’ tu vas te faire manger. Notre repas de ce soir se profile bien. On sort un gros thon de 5 kilos et Philippe prend un plaisir fou de le tirer en filets. Nous avons de quoi manger pour plusieurs jours. Cette pêche redonne un peu d’activités nouvelles à bord. Les enfants commençaient à tourner en rond. D’ailleurs ils ne sont pas aussi détendus que pendant la transat aller. Ils se disputent souvent, ils crient, l’entraide est protestée, ils cherchent l’attention. Pourtant grâce à la présence de Philippe, la journée est consacrée à plus de moments jeux avec eux. Je ne comprends pas et j’espère qu’ils vont se calmer un peu car je suis à deux doigts d’exploser. Je me contient. J’épargne Philippe de mes poussées de gueullantes et c’est très bien comme ça. Encore un avantage d’avoir une autre personne à bord. Cela te permet de prendre du recul et agir différemment. Un peu de mind fullness svp!
C’est l’heure de goûter à la pêche du jour. Carpaccio de thon, gingembre et pomme, suivi de sushis à volonté. On se régale.




transat 24-6

Je prends mon quart à 4h du matin. Lorsque et je monte sur le pont, je vois Philippe et Nico en observation. Une lumière flash clignote au loin. On n’arrive pas à distinguer la distance. La nuit est noire car nous n’avons pas de lune pour le moment. C’est quoi? Une bouée au milieu de l’atlantique accrochée à 5000m de fond, c’est peu probable. Une bouée à la dérive, c’est bien possible. Mais si c’était un radeau de survie avec une famille en détresse dans l’attente de secours? On fait des appel à la VHF, des signes avec nos lumières, du bruit avec la corne de brume, mais aucun signe de retour. On n’ose pas trop s’en rapprocher par peur de heurter peut-être un objet inconnu et de se retrouver nous dans une situation périlleuse. Nous avons estimé avoir été assez loin dans nos reconnaissance. La probabilité d’une bouée à la dérive est grande et nous continuons notre route plus au moins serein en laissant cette lueur clignotante orangée derrière nous. 
Je suis passée à un mode transat très détendue. Car hier soir après le festin de thon, on a eu droit à un festival de Lola, une crise de nerf digne d’un vaudeville. Madame était de corvée vaisselle. Je suis restée d’un calme exemplaire. Même Philippe n’en revenait pas. Avant j’aurais eu peur du jugement et du regard de l’autre, mais aujourd’hui j’en ai nettement moins de frissons. Pas encore guérie complètement mais cette année j’ai franchi un grand pas.
Je vis ma transat au jour le jour. Même la pétole ne me frustre plus. Je ne suis plus pressée d’arriver. Cette petite vie tranquille à bord, une belle mer et pas d’obligation me semble finalement plus simple qu’à terre. Ca y est mon cerveau s’est mis en mode OFF. Les journées restent rythmées par de tas de petites activités, mais sans contrainte de temps. Je profite de ces moments précieux. Cet après-midi deux baleines sont venues nous voir à quelques mètres du bateau. Nico toujours plus stressé que moi, allume le moteur pour signaler la présence de W4L au dessus de leur tête. Je ronchonne un peu mais il a raison. Il n’est pas rare d’entendre des plaisanciers rentrer en collision avec ces mastodontes. Des baleines peuvent faire gros dégâts au bateau. Revenons à la beauté de ces animaux. Elles plongent vers le fond dans un mouvement de queue gracieux. Les enfants les observent avec beaucoup d’intérêts et une fois parties, ils plongent eux, dans les livres afin de rechercher les caractéristiques des baleines observées. Grâce à la forme du souffle, on peut identifier l’espèce. Ce sont des cachalots cette fois-ci. A chaque page du livre ils s’extasient. « on a vu ça! Et ça aussi ! Et encore ceci! » L’autre jour nous avons assisté à un spectacle de sauts de dauphins. Comme au zoo. Pourtant, pas de dresseur avec son sifflet à côté d’eux.

 Je sais, on ne voit rien sur les photos, mais ils sont là, je vous promets!
Le calme est de retour. Le vent ne souffle plus trop. On sort toutes les voiles, spi, génois, GV. Dire que nous avons failli laisser cette voile rose à la maison. On ne l’a jamais autant sortie que pendant cette transat. Nous avançons à un petit 5nds . Respectable pour le peu de vent qu’il y a. Nous gardons espoir, il devrait monter dans les heures à venir. Dans du petit temps, les manoeuvres et réglages sont indispensables pour affiner la vitesse à la moindre risée. C’est assez contraignant, mais un peu d’effort physique pour éliminer les calories prises après chaque repas, ne fait pas de mal. Allez les boscos, au travail nous ordonne le capitaine. Le capitaine est heureux d’avoir un bosco supplémentaire sur W4L. Philippe bosco en chef et moi, d’après quelques petites histoires antérieurs, je ne serais devenu qu’une ‘biscotte’ pour certains.  Une biscotte, c’est rond ou carré, fragile et solide à la fois. Juste bonne à croquer par le capitaine? Détrompez-vous! Mais quand on la croque quand-même, elle laisse inévitablement des  miettes. Mais ces petites miettes, certes parfois dérangeantes, peuvent paraitre inutiles, mais quand on à faim et qu’on en a besoin, elles refont surface et deviennent  indispensables à la survie du capitaine, ses moussaillons et son bateau. Jamais Nico serait parti faire un tour de l’atlantique en famille sans sa ‘biscotte’. Rien de tel qu’une bonne biscotte à bord. A bon entendeur…

Je pêcherais bien une dorade aujourd’hui. Philippe part faire sa sieste et la ligne se tend. Il revient bredouille en entendant les enfants crier ‘poisson, poisson! » Qu’avons nous au menu ce soir? Une belle dorade d’1m05 s’agite à la surface. Il faut ruser pour ne pas la perdre. Mais on a encore gagné. Cette belle corifène perd sa couleur jaune et turquoise et meurt devant l’assemblée après lui avoir aspergé du rhum antillais dans les branchies. Philippe est à nouveau réquisitionné pour nettoyer le poisson. Ca lui plait bien. Lola profite de lui demander une dissection totale de la tête, des organes et surtout de l’oeil. Il s’avère que Philippe est encore plus macabre que moi et découpe l’oeil en détail. Il montre, sous le regard de Lola très curieux et le mien aussi d’ailleurs, la chambre noire de l’oeil, la cornée, le cristallin (telle une belle petite perle de cristal) et d’autres choses gluantes qui l’entourent. Lola sort sa parole du jour: « maman, quand tu seras morte, je ferai ça chez toi aussi. » On éclate tous de rire. Serait-elle un peu gore?





Nous avons au moins 3 kilos de filets. On ne manquera pas de protéines dans les jours à venir. C’était une très agréable journée. Des enfants calmes et détendus, du bon vent qui se lève, un repas digne d’un bon resto. En mise en bouche, des sushis de thon, suivi d’un duo de mi-cuit de thon et dorade avec des pommes de terre persillées et sa salade de concombre. Le tout servi à table, en terrasse vue océan, avec spi et GV, surfant à une vitesse de croisière de 7nds sur une mer « glassy ». Que du bonheur et pourvu que ça dure!



transat 25-6

Je suis en pantalon de quart et veste et le bateau ruisselle de perles de rosée. Cela fait des mois que je ne me suis plus vêtue de la tête aux pieds. Il fait gris, cru et humide ce matin. On se rapproche du nord, la mer et belle et on avance bien. Les prévisions sont bonnes pour 36h parait-il. On avance à du 7,5 nds dans le silence. Il a fallu juste une petite heure de ronron pour alimenter les batteries cette nuit. Les panneaux solaires on vu trop les nuages hier. J’adore ce quart de l’aube. Il me correspond bien. Je suis un oiseau du matin depuis toujours. C’est bien connu, la vie appartient à ceux qui se lèvent tôt. Quand le soleil se lève, ce sont les premiers rayons qui déclenche mon activité cérébrale, mes inspirations et ce dans le calme le plus complet et sans interférences. C’est pour moi, le seul moment ou je peux recharger mes batteries et remplir mon corps de cette énergie pure et sans parasites. J’ai de la chance car je vis avec un paresseux du matin, qui prend son quart vers 9h du soir quand je pique du nez. Nico a besoin beaucoup d’heures de sommeil. J’ai du plaisir à le voir émerger le matin, nu ou en "calebarre", bronzé avec ses bouclettes de surfeur, des petits yeux endormis et surtout ses premiers mots du jour: « ça va ma ‘biscotte’? » j’adore. Je le sens heureux et bien détendu cette transat. Notre équipier Philippe y contribue fortement et c’est plaisant. On connait Philippe depuis des années par le monde de la plongée sous-marine. On a passé quelques années de vacances ensemble sur des bateaux en mer rouge et en méditerranée. De bons souvenirs. Puis est venu le temps ou les familles se sont agrandies et les chemins se sont séparés le temps de faire grandir cette progéniture. Le hasard de la vie ramène Philippe au club de voile, puis sur W4L pendant des long weekends travaux, et finalement au milieu de l’Atlantique avec une famille de pirates. C’est étrange, mais c’est comme s’il n’y avait jamais eu de coupure dans notre amitié. La mer a gardé des liens éternels, c’est magique. Il a aussi une de ces perles rares à la maison qui laisse partir son homme vivre ses rêves, et ce pendant un mois pendant qu’elle travaille et s’occupe de 3 enfants. Il nous l’a dit plusieurs fois qu’il avait une chance inouïe!
Nous sommes aux milieu de la transat. Yanic marque le coup en jetant une bouteille à la mer avec un message dedans. Vu notre rythme de croisière, la bouteille arrivera peut-être avant nous aux Açores.





La vie à bord se met réellement en route à l’heure du brunch. Le buffet est généralement ouvert vers 11h. Rillettes de thon, salade de chou/carotte, fromage et saucisson et le pain frais du jour. La gestion du frigo est un vrai métier. Déjà, il fonctionne bien. Il y a même un petit compartiment congélation. Chaque denrée à sa place stratégique. Une pile de tupperware sont rangés au millimètre près. Ils sont empilés jusqu’à ras-bord afin d’éviter une trop grosse perte de froid à chaque ouverture. Il s’ouvre souvent à bord de W4L… Ces tupperwares permettent un rangement efficace des vivres en fonction des repas de la journée. La boite à petit déjeuner, la boite à fromage, la boite à légumes,… Il faut savoir que le frigo s’ouvre par le haut et prendre un paquet de beurre perdu au fond, c’est une expédition. Je dois y plonger tous le corps en risquant de me prendre la porte sur le crâne à chaque vague. Un métier à risque, ce frigo! Jongler avec une dizaine de boites répertoriées et organisées, me semble indispensable à la survie de la ‘mère’. Je ne vous cache pas que je rêve de retrouver mon frigo de la maison…
Le soleil nous réchauffe toujours. Contrairement à ce que j’avais imaginé, je me balade toujours en maillot de bain. Par contre les douches à l’eau de mer deviennent une vrai torture. L’eau est plus que tonique mais l’eau douce reste précieuse et je dois me faire violence pour résister à la tentation de prendre une vrai douche. D’autant plus que je sais qu’elle est chaude vu le nombre d’heures de moteur effectuées. Ici, ce n’est pas spécialement le côté doux de l’eau qui me manque, mais plutôt sa chaleur. Solidarité oblige. Une douche d’eau de mer comme tout le monde! Ne grillons pas nos réserves, on ne sais jamais combien de jours il nous reste à faire. Pour l’instant on a consommé 45 litres en 8 jours à 5, bravo les gars. Le fond de l’air se refroidit légèrement le soir et une petite laine s’impose, mais franchement, le temps est très agréable. Pour la nuit, on a ressorti les duvets. Une nuit j’ai surpris Lola en pyjama avec un pull et des chaussettes sous sa couette. Nos corps certes belges, auront besoin de s’acclimater encore un moment après s’être habitué à la chaleur tropicale pendant un an. Fini les longues soirées chaudes. Ce soir on mange à l’intérieur. Il fait trop froid. Le repas est encore exotique, tartare de dorade à l’Antillaise, suivi d’un curry-coco de dorade et la touche sucrée pour faire plaisir au capitaine, une mousse au chocolat ‘bateau’ devant un film (un navet dont j’ai même oublié le titre) avec les enfants.

transat 26-6

Il fait gris tout autour de moi. La rosée me mouille les pieds. Jusqu’à présent je vivais pieds nus depuis des mois. Vais-je me réhabituer aux chaussettes et aux chaussures? Il va bien falloir, mais je n’ai pas encore envie maintenant. J’espère encore arriver à Horta en tongs. Le jour se lève péniblement mais le vent est là. toujours un poil trop faible mais on ressort spi, génois et GV et le bateau avance à 6,5 nds. Raisonnable. On reçoit un message de Talitha. Il sont à 180 milles de nous, au moteur et dans la pétole. C’est reparti pour un tour. On reprend un fichier météo et les nouvelles sont déprimantes. A partir de cette nuit jusqu’à jeudi c’est le calme plat! Les pronostics d’heure d’arrivée se rallongent. Il nous resterait une autonomie de 36h moteur. A ce rythme là, on n’est pas encore arrivés les amis… En attendant le soleil est revenu et c’est ‘blue sky’ et nous avançons toujours à la voile. Cette journée a été forte en spectacle marin, on a vu des dauphins, des baleines et des globicéphales. W4L glisse sur cette mer lisse. Le bateau ne bouge pas et on se balade même sans gilet jusqu’à l’avant. Ca fait du bien de faire une petite balade de 12m sur le pont. Je m’installe même à ma petite place favorite, la petite terrasse en teck à la pointe. Je me couche et je contemple les 3 voiles gonflées. C’est reposant. Le devoir me rappelle à l’ordre. Fish sticks maison et mi-cuit  avec le restant de la dorade, patates à la provençale. Nous finissons notre réserve de poisson ce soir. A quand la prochaine pêche? Avec l’annonce de la pétole, le butin risque d’être maigre. J’espère pouvoir reporter l’ouverture des boites de conserves le plus longtemps possible…


transat 27-6

Depuis minuit, il n y a plus de vent. Le moteur tourne à plein régime depuis quelques heures déjà. Un brouillard épais s’est levé. J’ai l’impression de m’être réveillée sur le lac de Genval. Philippe à croisé une baleine très proche du bateau. Elle dormait et elle a rapidement été réveillée avec le ronflement du moteur. Qu’est ce qu’elles doivent être emmerdées par ces bruits incessants sous l’eau. Quel nuisance sonores il doit y avoir sous notre quille.
Je cherche les rayons ce matin. C’est un jour sans vent mais aussi sans lumière. C’est triste. Nico reprend un fichier GRIB et la pétole se confirme encore de plus belle. On finira par arriver au Peter bar le jour de l’anniversaire de Philippe le 7 juillet. Philippe n’a pas l’air d’avoir prévu ça dans ces plans. Il est malgré tout pressé de retrouver sa famille après un mois de séparation. Néanmoins, il se sent très bien sur W4L avec sa famille de pirates et nous aussi. Tout est facile et fluide avec Philippe. Je me sens très à mon aise et sa présence ne nuit aucunement à mon rôle de femme, maman, pirate, biscotte et chef coq. Malgré la proximité, j’arrive à garder mes moments d’intimités. La gente masculine est plutôt d’agréable compagnie. Quand Philippe a fini son quart, il vient me réveiller en me donnant une petite caresse sur le bras. Il me voit en tenue de nuit, la tête complètement décoiffé et ce, pendant des fois la journée entière. Je dois me sentir franchement bien à l’aise.  Avec Nico par contre, le réveil c’est un autre style. Il m’éclaire avec sa petzl dans la figure, et me dit avec sa grosse voix: « Yaël, c’est ton quart »,  mais il a plein d’autres qualités.  Ca fait un mois qu’on partage faits et gestes de toute une famille avec un ami dans un environnement très exigu et jamais je n’ai ressenti un malaise. Tu fais partie de la famille comme un frère et c’est juste le bonheur que ça se passe aussi bien. Les enfants t’appellerons bientôt tonton Phil.
Les mauvaises nouvelles météorologiques s’envolent rapidement grâce à un message iridium de la famille. « Yanic et Lola ont leur place à l’école. » Des cris de joies retentissent dans le carré. C’est eux nos rayons de soleil aujourd’hui. Lola se projette déjà et rêve de retrouver son école, ses amies, sa maison, sa chambre, la Belgique tout simplement. C’est la seule de la famille qui exprime un tel souhait de retrouver son pays. Ils sont vraiment heureux d’apprendre cette bonne nouvelle et au milieu de l’atlantique c’est encore plus excitant. On ne les a pas entendu de la journée.  Ils ont ressorti les légos et playmobils et se sont créés un monde avec leurs héros préférés sur un yacht.
L’iridium n’arrête pas de sonner aujourd’hui. Fabrice nous donnes des pistes météo à suivre à travers cette pétole. Cédric nous envoie sa position et à travers son message on comprend qu’il en à ras le bol de cette transat de M… Catherine, la femme de Philippe envoie des news de sa famille et nous encourage pour les prochains jours sans vent et un message mystère non signé, qui sonne plutôt avec l’accent du sud-ouest de la France, qui nous dit de tenir bon. J’ai hâte de te retrouver aux Acores, Nath! C’est là qu’on voit que nous ne sommes finalement pas seuls à faire cette transat.
Pour fêter toute ces bonnes nouvelles, je me lance dans la confection d’une tarte tatin. Une vraie cette fois-ci. Les odeurs de cannelle et de sucre caramélisé au beurre envahissent le carré et réveillent Nico de sa sieste plus tôt que prévu. Elle est plutôt pas mal réussie cette tatin et on en fait qu’une bouchée pour le goûter. Peu de temps après, j’enchaine, à la demande de Yanic qui a retrouvé un paquet de pâtes à lasagne, la réalisation d’une lasagne. Une bonne bolo et un peu de béchamel tapissent les plaques de pâtes les une au-dessus des autres en terminant avec une dernière couche de fromage. Le temps de la cuisson, on s’offre notre premier verre de rhum à l’apéro en regardant ‘Planet Earth’ avec les enfants. On a bientôt de l’électricité à revendre, tellement le moteur tourne ces dernières heures. Ce soir c’est Versailles, on allume les lumières partout, on charge les tablettes et ordis à volonté et on se fait une soirée écran. Dans le négatif, il y a toujours du positif!






transat 28-6
Je me réveille sans caresse sur le bras aujourd’hui. Je me suis réveillée avec mon horloge biologique. Ils m’ont laissé dormir jusqu’à 5h30 ce matin. Une nuit de 8 h, ils me chouchoutent bien ces deux marins. Ils faut dire que les quarts ne sont pas fatigants  du tout. Aucune voile à gérer, pas de mer formée, personne à l’horizon et à l’AIS, juste une mer glacis comme diraient nos petits moussaillons. Des quarts peut-être ennuyants mais presque reposants. Ce matin nous avons vu encore quelques globicéphales croiser notre route. La mer est si plate que l’on voit même le plus petit des poissons sauter à surface attraper une mouche égarée qu’on entend même voler tellement c’est calme. Nous voyons énormément de vie durant cette traversée. Globicéphales, toute sorte de baleines, dauphins, thons, bonites, tortues, et surtout des physalies (ou galère portugaise), … Cette dernière fait partie de la famille des méduses. Elle flotte à la surface de l’eau tel une petite barquette. Elle déploie sa voile dorsale et se laisse dériver avec le vent et le courant. De jolies petites méduses violettes qui ont comme seule fonction: manger, flotter, se reproduire. Mise à part cette dernière fonction (quoi que…) c’est fort similaire à la vie à bord de W4L aujourd’hui. Mais derrière ces belles petites créatures se cache un danger. Aussi petites qu’elles n’y paraissent, elles trainent sous leur jupe de long filaments extrêmement urticants qui sont aussi venimeux que le venin d’un cobra. Il n’y a pas de venin méchant à bord de W4L, c’est sur! La tentation était grande de sauter à l’eau mais vu le nombre de physalies à la dérive, ce serait suicidaire d’y mettre ne fus ce qu’un orteil. Même le requin est moins dangereux. Ces galères portugaises portent bien leur nom. Elles sont également un bon repaire pour nous. Quand on bouchonne à 1,5 nds et qu’on les dépasse toujours, on garde le moral. Je m’attaque à mon sport quotidien, le pétrissage. Les biceps se forment. Le temps que la pâte monte, je m’offre une séance cinéma avec Yanic. Il se blotti contre moi dans le fauteuil du carré devant  ‘Pirates des caraïbes’ . On est presque mieux qu’à la maison. Je n’avais jamais vu les films de ‘Pirates des Caraibes’ et c’est plutôt plaisant. Je m’amuse a reconnaitre les décors dans lesquels les scènes se déroulent. Des lieux et des plages que nous avons visité durant notre voyage, comme les Titou gorges et la rivière indienne de la Dominique, se retrouvent dans le film. Jonny Depp n’est pas désagréable à regarder non plus. Je sais où se trouve son île aux Bahamas maintenant…




Une petite journée tranquille en perspective. Toujours moteur et pas de vent, mais le soleil est là. Le moindre souffle nous motive à sortir les voiles, mais cette fois, le peu de vent qu’il y a , on l’a dans la face. On ne va pas commencer à faire des bord ? Mais si, mais si. On met les voiles réglées pour le près. On a même un peu de gîte. La plaisanterie ne dure pas longtemps quand on a vu que nous avancions d’un mille en 1h. On remet le moteur, pas de regrets, le vent est tombé à 0. Malgré ce manque de vent, nous sommes tous de bon humeur. On s’amuse bien et on rigole. On observe un banc de thon qui nage juste à côté du bateau. Pourquoi n’iraient-ils pas faire un petit coucou au calamar rouge en plastic qui traine derrière le bateau. « Coucou petit thon, c’est moi le calamar derrière toi. «  Cette réplique ne vous rappelle rien? Demandez à votre tatoueur derrière le coin de chez vous. Ces thon n’ont malheureusement pas faim aujourd’hui. Pas de chance pour nous. La soirée s’annonce plus maigre. Plus de poisson et plus de viande. On attaquera d’autres formes de protéines, lentilles, pois chiches, … je m’amuse à fixer la Go Pro sur la gaffe et je filme les thons sous l’eau. J’en profite pour faire quelques scènes de vie à bord. Je télécharge les vidéos sur mon ordi et en regardant une des vidéo sous l’eau j’observe une masse bizarre autour de l’hélice qui tourne. C’est arrivé rapidement aux oreilles du capitaine et il n’a pas fallu grand chose pour arrêter la machine et attendre que W4L s’arrête complètement avant de sauter à l’eau. Par miracle, les physalies sont assez rare dans le coin, mais il y en a quand-même. C’est toujours un moment grisant de sauter au milieu de l’océan avec 5000 m de profondeur sous les pieds. Le petit moussaillon se tâte, mais il n’a pas fallu grande insistance quand il a vu son père et tonton Phil faire le grand saut. Les filles restent à bord et observent l’éventuel danger . L’instinct protecteur m’envahit et je ne veut en aucun cas en remonter un avec soit une morsure de requin ou des piqures de tentacules de physalies.  Fausse alerte, l’hélice est nickel. Peut-être que c’était bêtement une petite algue accrochée au bras d’hélice. Tant mieux. La baignade est courte, premièrement il faut qu’on avance, deuxième l’eau est très fraiche.  D’après Yanic, elle est bien 10° en dessous de celle des Bahamas. Mon fils a froid, du jamais vu! J’ai bien fait de rester au chaud sur W4L.
On ne dine plus dans le cockpit. Tout devient humide dès le coucher du soleil vers 19h. A l’intérieur il fait bon est cosy. A demain…



transat 30-6

Je n’ai pas écrit hier?
Enfin je retrouve ce que W4L a dans le ventre. On fonce à presque 8 nds, au près et on doit se réhabituer à se déplacer à 45°. J’avais oublié que c’était inconfortable, mais je préfère avancer avec du vent et le corps de travers, que de bouchonner dans la pétole et circuler droit. La météo nous annonce quelques jours de près. On est soulagés, d’autant plus que la mer n’a pas eu le temps de se former et nous ne sommes pas encore ralenti par les vagues. Hier le capitaine s’est levé du mauvais pied. Une petite prise de becs avec Yanic m’a mis le bourdon. Je me suis isolée à l’avant du bateau et j’ai bien fait. Un banc de dauphins est venu me redonner le sourire. Ils s’amusent à l’étrave et j’appelle l’équipage à admirer ce spectacle. Tout de suite l’atmosphère se détend. On décide d’avancer l’heure d’une heure afin de se mettre petit à petit au rythme des Acores. 
Yanic remonte la ligne et je l’entend hurler dehors. Je sors effrayée par ses cris. Je me prépare à le voir avec un hameçon dans le pied ou dans la main et devoir sortir mes atouts d’infirmière. Je comprend vite que les hurlements viennent d’une autre source de douleur. Un long filament violet entoure sa jambe. Il est comme tétanisé tellement ça lui fait mal. J’arrive à lui ôter cette tentacule gluante de la jambe sans la toucher avec mes mains. Ca brule terriblement, me dit-il. Je repense à la lecture au sujet de ces méduses, dont le venin est aussi douloureux que celui d’un cobra. Le pauvre, il souffre vraiment. Nico sort la trousse de secours et nous y trouvons tous les soins adéquats. D’abords c’est mousse à raser et une carte type carte de banque pour racler les micro-filaments invisibles restés collés sur sa peau. Des gourmes rouges apparaissent et marquent le chemin que le filament a parcouru. On désinfecte (surtout sans alcool pour les physalies) et je lui mets un peu de flamazine et un cachet pour la douleur. Il prend une cannette de bière bien fraiche, rassurez-vous il ne la boira pas, mais il la met sur ses plaies pour atténuer les sensation de brulures. Il ne reste qu’à espérer qu’il ne fasse pas de réaction allergique. Je reste en observation pour les heures à venir. Je suis confiante, ce petit homme est coriace.
Nico et Philippe changent régulièrement leur quart donc je ne sais pas si je vais être réveillée par une caresse sur le bras ou une lampe frontale allumée dans la tronche. Néanmoins aujourd’hui pas besoin de ni l’un ni l’autre pour me réveiller. Je me suis réveillée avant l’heure. Je n’avais plus sommeil et je pars faire un petit check à l’avant ou Yanic dort comme un bébé. Ca va, il n’a pas gonflé comme Pierre Richard dans la Chèvre. Plutôt rassurant.
le ciel est noir et plein d’étoiles. Il fait froid pour rester dehors et veiller. Je me cale dans le carré derrière la toile antiroulis et je lis. Toutes les 20’ je sors faire un tour d’horizon. Il n y a personne. Nous n’avons croisé que 2 cargos et un voilier ce matin. Ce dernier nous a appelé ce matin à la radio. Une famille de Suisse avec 2 enfants et 2 chiens à bord d’un voilier en alu. Accrochez-vous, ils sont partis le premier juin de St Martin.Des puristes, ils ne mettent jamais le moteur et attendent les vents favorables en passant par de la pétole et de grosses dépressions.  Il nous appelle pour avoir un point météo. On leur annonce qu’il devrait y avoir encore des moments de calme mais qu’il fallait avancer  pour les éviter. Leur but c’est Flores. Une des plus belles iles de Acores d’après les guides. J’ai espoir que nous puissions nous y poser quelques jours.

transat 1-7
J’ouvre l’oeil. Il est 4 h, l’heure de mon quart. Aujourd’hui je n’ai pas droit à une doudouce sur le bras, ni a un éclairage violent dans le visage mais un bruit de moteur, le capot ouvert avec  deux têtes plongées sur l’alternateur. A peine levée, je suis réquisitionnée au poste de barreuse dans le noir le plus complet. Juste équipée d’une petzl pour éclairer la girouette et le compas. Je navigue à l’ancienne, instruction du capitaine, cap 90 et garder les voiles gonflées. Les instruments sont éteints et le reflex de vouloir s’en servir part aussi vite qu’il n’est venu. Reprendre la barre de temps en temps en manuel et finalement faire un peu de voile est un plaisir un peu oublié sur W4L.  Un témoin rouge indique une panne de charge de batterie. Plutôt gênant quand on navigue avec cette technologie moderne, un frigo et un pilote. Les suisses ne devraient pas avoir ce genre de problème. A choisir, je crois que je préfère voir Phil et Nico plonger dans la cale moteur, le nez sur l’alternateur, et d’avoir ce confort technologique à bord. Il faut vivre avec son temps, non? Un fil électrique un peu dénudé par le frottement s’est dévissé à cause des vibrations et court-circuitait à chaque petit mouvement. Ils l’ont isolé à nouveau, remis un petit coup de serrage sur la cosse et la panne est réparée. Le booster ‘sterling’ se remet en route et décharge son jus dans toutes les batteries. Yes! On remet tout en charge, tablettes, ordis, gsm, iridium, caméra,.. et je pousse sur mon ami préféré ‘Monsieur le Pilote ‘, je lache la barre et je pars me coucher pendant 20’. Dans ces moment là, j’adore la technologie moderne…
Les garçons sont partis se coucher et tout est redevenu calme sur W4L.
Il est 11h et la vie des enfants reprend. Je laisse les hommes dormir. Je met les enfants devant un film au petit déjeuner. On profite du vent toujours bien présent et je vois la date d’arrivée se confirmer de plus en plus. Probablement lundi à Horta?   Plus que 3 jours. 
Je prend ma douche dès que quelques rayons de soleils brillent dans le cockpit. L’eau est glaciale. Nico me jette un seau d’eau de mer sur la tête. Tout mon corps se tétanise par le froid. Nico rigole en plus. La chair de poule apparait sur ma peau encore bronzée. je ressemble à un poulet rôti. J’expédie l’affaire et je me précipite sur ma serviette de douche et je me réchauffe au soleil. Il est loin le soleil torride de l’ouest que l’on fuyait dès les premiers rayons. Aujourd’hui je dois me battre pour laisser le bimini ouvert pour laisser passer les rayons sur teck et ainsi récupérer cette chaleur radiante sous mes pieds. Je n’ai pas encore sorti les chaussettes, mais ça ne va pas tarder. Un grain se prépare au loin. Va-t-il nous donner de l’air? De la pluie c’est certain. On réduit un peu la voilure, mais pas trop quand-même. Phil et Nico enfilent leurs cirés et attendent. Rien ne se passe, le grain est vide cette fois-ci. On fait péter le ris, on repart sur notre lancée et on garde une bonne vitesse de croisière durant une bonne partie de la journée. Plusieurs séances cinéma au programme du jour dans une salle à la gite mais sur une mer belle. Même si la mer avait été déchainée, regarder Pearl Harbour ne devrait pas poser trop de problèmes. Les estomacs gargouillent. On a encore décalé le fuseau horaire d’une heure. On se rapproche. Hier nous avons manger des wraps chou-carotte-pois chiches, ce soir c’est hache parmentier avec les épinard en boite. Des frais c’est évidement meilleur, mais franchement c’est même bon en boite. Le temps que la tambouille cuise, je passe ma tête dehors. Je vois Philippe et Nico vider les derniers jerrycans dans le réservoir.  Je fais un tour de l’horizon et je tombe sur 2 grosses baleines à 10 m du bateau. Nous sommes en route de collision! Elles ont l’air d’avancer sans nous avoir vu. Cette fois, c’est moi qui donne l’ordre de mettre le moteur. L’allumage est capricieux et je vois avancer les baleines sur nous. Nico reprend la barre et se met parallèle aux cétacés. L’une d’entre elle pointe le bout de son nez dehors. A ce moment la le moteur se met en route et elles replongent dans les abysses. On aurait presque pu prendre une douche rien qu’avec leur souffle. Lola c’est prise d’un stresse et a essayé de leur parler. « Partez, partez, les baleines! » Elles sont si élégantes et nous sommes si petits face à elles. Elles disparaissent aussi vite qu’elles n’apparaissent. On ne les reverra plus… A table les questions fusent. Tu penses qu’elles nous auraient touché si nous n’avions pas mis le moteur? Comment ce fait-il qu’elles ne nous voient pas, qu’elles ne sentent pas une présence, un obstacle près d’elles? Toutes ces questions restent ouvertes. On les a évitées de justesse…

transat 1-7
Toujours pas assez de vent. A deux jours de l'arrivée, c'est très énervant! On verra demain...

Transat 2-7
Terre en vue!  Le vent est toujours très faible depuis hier. Aujourd'hui je ne veux plus bouchonner. Je veux juste arriver le plus vite possible. Si on se traine encore, on passera encore une nuit de plus. J'ai du mal avec cette idée et je décide de mettre le moteur. Pas tout a fait à l'unanimité de l'équipage, mais il ne faut pas grand chose pour les convaincre tous. Quand on voit la terre se rapprocher et enfin Cédric debout sur Talitha nous faisant des grands signes de bienvenues,  nos yeux se remplissent de larmes de joie. Nous l'avons fait!!! Horta accueille W4L dans son port mythique. Pas de temps à perdre, en route pour le 'Peter bar'.






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire